On assiste à une multiplication des adresses éditoriales parascolaires visant à renforcer les apprentissages, à remédier aux manques, à pallier aux difficultés. Et si c’était inutile ? …
Philippe Geneste.
Critique du coffret de Zamorano Cécile, Je joue et j’apprends les bases de la grammaire, illustrations de David Gauthier, Nathan, 2016, un livret 48 p. + jeu de 54 cartes, 12€
Ce coffret repose sur l’activité de l’enfant. Il surfe sur la recherche de parascolaire par les parents pour aider leurs enfants à réussir à l’école. Bien sûr, c’est l’accompagnement qui prime dans ce type d’ouvrage et ce sont des livres pour les parents à destination de leurs enfants. Comme le dit Nathan, « l’école fait son entrée à la maison ». Examinons ce volume.
Le livret donne un personnage avec un mot clé en page de gauche dont la catégorie grammaticale est indiquée sur la page de droite avec une « forme d’histoire », en fait un prétexte à introduire un terme métalinguistique. Ainsi, le premier, c’est un verbe, dont l’enfant apprend : « il indique une action ». Dessous, dans la marge basse de la page de droite, des verbes sont donnés, il faut en trouver d’autres et en page de droite une liste avec un intrus est livrée, il faut trouver l’intrus. Evidemment, ça commence mal, si un verbe indique une action, mourir, attendre, être, stationner etc. ne sont pas des verbes… La double page suivante présente des impératifs sans le dire, mais on ne voit pas bien pourquoi l’autrice fait des verbes des êtres animés à image humaine… En quoi cet animisme va-t-il aider l’enfant à abstraire la notion de verbe ? Mystère… A la fin du livret on nous dit que « quand il est tout seul, le roi verbe reste à l’infinitif. Il aime la simplicité. Pas besoin de fioritures ». Les fioritures sont les marques de temps et de personne voire de mode… La notion de simplicité éclaire-t-elle l’enfant sur l’infinitif ? Pourquoi, tel un être humain (le verbe est représenté par l’image d’un roi), l’infinitif serait-il tout seul ? Ce n’est pas vrai métaphoriquement car il existe des marques de l’infinitif comme des marques de temps etc. Quand à l’adverbe, il est dit qu’il « est étonnant car il dit au roi verbe comment faire l’action ». Que vaut cette explication dans : le garçon élégamment vêtu présenta l’ordonnance grammaticale ? Ici, le participe passé sera-t-il vu comme un « roi verbe » ? Non, puisque le verbe « indique l’action » et que, si on suit la posologie grammaticale, c’est présenta qui remplit cette fonction …
Quelques pages plus loin, il est dit : « il y a deux sortes de noms bien différents : les noms féminins et les noms masculins. Un nom féminin ne peut pas devenir masculin et un nom masculin ne peut pas devenir féminin » Or, un nom est un nom, qu’il soit masculin ou qu’il soit féminin n’y change rien : le système de la catégorie nominale ne change pas, c’est le genre qui change, le genre qui est une des caractéristiques systématique du nom… Curieusement, le nombre n’a pas le même traitement, il n’est pas évoqué… pourtant il appartient au système de la catégorie grammaticale du nom… L’autrice ne le fait intervenir que dans le groupe nominal : « un nom est habillé au pluriel, il est évident que tout le groupe nominal doit s’habiller au pluriel et donc porter un s. Si l’adjectif oublie son s c’est grave ! Les gardes l’envoient aussitôt se rhabiller ». Plus loin, le nombre intervient dans ce qui n’est pas appelé le groupe verbal : « ici le roi accompagne un sujet au pluriel (qui porte un s). Il s’habille donc au pluriel : c’est pour cela qu’il porte une terminaison en –ent ». Et si l’enfant demande pourquoi il ne porte pas une terminaison en s on répondra à l’enfant parce que c’est comme ça… Ceci étant dit pour montrer l’inutilité de ces explications métaphoriques qui n’éclairent point les mécanismes grammaticaux ni les systèmes grammaticaux qui composent la langue.
Nous nous en arrêterons là. Et les jeux de cartes ? D’une part ils servent au cours de la lecture du livret ; d’autre part, ils permettent de faire un jeu avec l’enfant à partir d’un code des couleurs ou d’une même famille (en réalité non pas une famille de mots mais une même catégorie grammaticale…). Dire après cela que la grammaire est un jeu, voilà qui est bien drolatique… c’est le jeu des confusions …