Cours de LSF
PLAIDOYER POUR DES COURS DE LSF ADAPTÉS AUX BESOINS DES UTILISATEURS
La mise en oeuvre du projet bilingue français/langue des signes et dans une beaucoup plus grande mesure l’utilisation de la langue des signes dans des projets associant français oral et écrit d’une part et LSF d’autre part ont entraîné un accroissement important de la demande de formation en langue des signes des professionnels de la surdité orthophonistes, éducateurs, enseignants
Pour faire face à cette demande, les associations prestataires de service en la matière ont adossé la présentation de leur programme au Cadre commun de référence pour les langues (pour mémoire il a été adapté à la langue des signes en janvier 2002). Malgré cette présentation nouvelle, force est de constater que l’offre est plus soucieuse de la lettre, les niveaux A, B et C que de l’esprit de ce référentiel à savoir la souplesse et l’adaptation[1] aux objectifs des professionnels désireux d’apprendre ou de se perfectionner en LSF. L’accent est mis sur le caractère visuel de la langue des signes, son utilisation dans des conditions spécifiques et avec des locuteurs particuliers n’est jamais évoquée.
Approche fonctionnelle
Rappelons avec force que la communication et tout particulièrement la communication avec de jeunes sourds dans le cadre d’une prise en charge spécialisée, n’est pas un acte découlant de la seule connaissance des langues mais un exercice de compréhension et d’adaptation à son interlocuteur.
Comment ne pas évoquer le cas de figure où le jeune avec qui il faut communiquer ne possède encore à proprement parler aucune langue ou présente le cas échéant des troubles associés. Son message doit être accueilli avec bienveillance et en tout cas comme l’expression d’un vouloir dire quelle qu’en soit les propriétés formelles. Cet accueil, cette compréhension implique une grande disponibilité, des facultés d’adaptation qui vont bien au delà de la seule connaissance formelle des langues. Par ailleurs tel ou tel professionnel peut être amené
En terme d’apprentissage[2] ce que les utilisateurs (professionnels de la surdité ici) de la langue des signes ont à maîtriser c’est avant tout ce qui leur permettra de fonctionner efficacement dans les situations qu’ils visent. C’est à dire que la langue des signes «fonctionnelle» (ou plus généralement une langue envisagée sous son aspect fonctionnel quelle qu’elle soit : français, anglais…etc. ) ne saurait se caractériser d’abord et uniquement en termes de contenus et d’inventaires linguistiques, mais bien par rapport à des publics précisés et à leurs objectifs d’utilisation fonctionnelle (c’est-à-dire opératoire) de l’instrument linguistique qu’ils entendent acquérir où perfectionner. Quelles « fonctions langagières » l’apprenant aura-t-il à réaliser, dans le cas qui nous intéresse, avec la langue des signes qu’il apprend ou perfectionne. Quelles notions devra-t-il exprimer ? Dans quelles situations ? En relations avec quels interlocuteurs?
Autrement dit l’apprentissage et le perfectionnement en langue pour être efficace ne peuvent être détachés des enjeux réels qui motivent les apprenants. Ce dernier point est capital lorsqu’il s’agit d’aborder des domaines inédits en langue des signes. En effet pour des raisons historiques, son interdiction, la langue des signes n’a pas pu prendre en charge de nombreux domaines (matières scolaires et universitaires tout particulièrement).
Proposition pour classer les besoins
- Besoin de communication « in situ » (accueil, échanges courants, en contacts avec les familles sourdes, entendantes) dans un contexte partagé et connu. Ex : agents d’accueil, infirmières, médecins, … etc.
- Besoin de communication dans la « vie quotidienne », extra-scolaire (éducateurs) : comment accueillir la production, la parole des jeunes ? Reformulation et échanges sur les thèmes qui intéressent les jeunes ( avenir professionnel, aide aux devoirs, ouverture socio-culturelle … etc.)
- Besoin de communication en situation d’enseignement, de prises en charge spécifiques » (enseignants spécialisés, éducateurs techniques, éducateurs de jour, orthophonistes, psychomotriciennes, psychologue …etc.)
Une formation devrait se proposer de donner aux professionnels de la surdité non seulement un meilleure compétence en langue des signes mais aussi, l’un ne va pas sans l’autre, une idée exacte de ce qu’ils peuvent attendre de l’utilisation de la langue des signes dans une visée pédagogique, éducative ou simplement de communication.
1) Un cadre théorique emprunté au linguiste Gustave Guillaume
Dépassant l’opposition stérile entre langue visuelle et auditive, ce cadre permet une présentation contrastive français/langue des signes éclairante et facilitatrice pour les apprenants. L’étude contrastive français/LSF dans le cadre de la linguistique Guillaumienne (Gustave GUILLAUME) devrait être présenté de façon accessible et adaptée aux besoins des différents personnels
2) des exercices pratiques
■ Il s’agirait d’amener selon les besoins les apprenants soit au niveau A de notre référentiel de compétences, dialogue in situ :
A Oh tu as un chien …
B Oui il est beau ..hein ?
A Oui mais pas très gros
B oui mais il est très robuste!
ou au niveau B, discours rapporté in absentia : Hier j’ai rencontré Isabelle… elle a acheté un Pitbull alors qu’elle va accoucher bientôt. Elle est inconsciente c’est un chien dangereux il n’y a pas longtemps il y en a un qui a arraché une joue à une petite fille …..
ou au niveau C, discours de portée général : Les chiens tels que les mastifs et pittbulls qu’achètent les dealers et dont ils se servent comme une arme ainsi que l’engouement pour ces animaux dangereux constituent un vrai problème … accidents morsures gravissimes Il faut prendre des mesures ….. etc.
■ de les rendre autonomes en mettant l’accent sur l’adaptation à l’interlocuteur sourd et les stratégies à mettre en oeuvre pour pallier une connaissance insuffisante de la langue ou, le cas échéant, aborder un domaine inédit en LSF
3) La traduction pédagogique
■ de leur enseigner la LSF en leur enseignant, entre autres choses, à traduire. Cela est possible quel que soit le besoin considéré: de la « communication de survie » (Je veux encore de l’eau, j’ai soif) à la tenue d’une conférence sur les méfaits des graisses …. L’application de la traduction interprétative à la traduction pédagogique facilite grandement l’apprentissage d’une langue seconde. N.B. il est ici question ici de traduction pédagogique et non pas d’interprétation simultanée professionnelle- de français en LSF et de LSF en français
[1] C.F. Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Divison de sPolitiques linguistique, Conseil de l’Europe, Strasbourg. Tout particulièrement: 6.6.2 Moduler les contenus d’enseignement, p.101 à 104
[2] Ce paragraphe est adapté librement de R.Galisson/D. Cosse , Dictionnaire de didactique des langues, Hachette, Paris, 1976, p.231,