Philippe Geneste
En commençant l’enseignement de la conjugaison par les verbes du premier groupe, on ne facilite pas la tâche des élèves !
Il semble tout à fait naturel de commencer l’enseignement de la conjugaison des verbes au mode indicatif par les verbes du premier groupe. Cela peut sembler légitime puisque les verbes en –er, ceux du premier groupe sont incontestablement les plus fréquents. D’ailleurs quand on crée un verbe, aujourd’hui, on a plutôt tendance à créer un verbe en –er. Ceci dit, il me semble qu’on devrait y regarder à deux fois.
En effet, aux trois premières personnes des verbes du premier groupe, la terminaison de la personne se construit sur le modèle
Ø
–s
Ø
et ceci au présent, au futur et au passé simple. On a soit une terminaison vocalique (–ai –as –a) soit une terminaison qui consiste en une détente d’une consonne (Ø –s Ø). Par exemple, au passé simple on conjugue je chantai, tu chantas, il chanta ou au futur je chanterai, tu chanteras, il chantera ; au présent, je chante, tu chantes, il chante. Or, l’imparfait et le conditionnel présent n’entrent pas dans ce cadre, puisque les terminaisons sont régulières :
ais
ais
ait
avec, aux trois premières personnes, une terminaison qui se construit, nous y reviendrons, sur le modèle
–s
–s
–t
Dans le premier groupe, les verbes se terminent par une syllabe qui varie. Or, tel n’est pas le cas des verbes des autres groupes qui se terminent par une syllabe invariante, c’est-à-dire une terminaison vocalique stable ou alors sur une consonne inaudible (par exemple, on n’entend pas le –d dans il prend). La terminaison de la personne vient ainsi couvrir un élément vocalique. On a, la même chose pour tous les verbes des deuxième et troisième groupes à tous les temps sauf le futur :
–s
–s
–t
Avec parfois le –x à la place du –s (tu veux, tu peux), mais on sait que le –x est une subsistance cuistre du –s et a remplacé –us). Ajoutons aussi qu’au présent, parfois, à la troisième personne du singulier, on trouve -d à la place de –t ; mais c’est une variante d’un même mécanisme de construction.
Si l’on excepte les verbes être, avoir, aller on constate une homogénéité parfaite de la terminaison des trois premières personnes : les terminaisons des personnes à l’imparfait et au conditionnel présent s’accordent avec la déclinaison personnelle –s –s –t qu’on trouve au présent et au passé simple.
On sait que les élèves ont du mal dans l’apprentissage du passé simple. La spécificité de cette conjugaison est de comporter ce que Guillaume nomme une voyelle thématique. Tous les verbes des deuxième et troisième groupes comportent, à toutes les personnes, une voyelle thématique : c’est soit le –i– (je finis tu finis il finit nous finîmes vous finîtes ils finirent) soit le –u– (voulus voulus voulut voulûmes voulûtes voulurent).
Or on n’a pas cette régularité avec les verbes du premier groupe. La voyelle thématique y est le -a-, mais elle n’apparait qu’ à la deuxième et à la troisième personne du singulier et à la première et à la deuxième personne du pluriel : chantas chanta chantâmes chantâtes Chantai et chantèrent se construisent différemment sans la voyelle thématiqe –a-.
Donc, en commençant l’enseignement de la conjugaison par les verbes du premier groupe on place d’entrée de jeu écoliers et collégiens devant une complication de formation tant au niveau des personnes que des temps. Il serait préférable de partir de la conjugaison beaucoup plus régulière des verbes des second et troisième groupes.